Heuksando, c’est-à-dire l’île de Heuksan, évoque dans l’esprit de tous les Coréens la terre d’exil oùfurent relégués leurs derniers monarques. Sa situation au large de l’extrémité sud-ouest des côtes et lesconditions favorables dont elle bénéficie lui ont pourtant permis d’être longtemps la plaque tournante ducommerce maritime en Extrême-Orient.
Le paisible port de Sa-ri se blottit au creux d’un abri naturel queprotège la barrière des îlots rocheux dits des Sept Frères. JeongYak-jeon y mena des observations scientifiques qu’il consignadans Hyeonsan eobo, un traité répertoriant les espèces de poissonsprésentes à Heuksan.
Le 23 juillet 1996, un frêle radeau en bambou nommé« Le Méditerranéen de l’Asie de l’Est » s’éloignait descôtes de la province méridionale chinoise de Zhejiangen vue d’une expédition scientifique. Organisée par uneéquipe d’océanographes coréens et chinois, avec à leur têtele professeur Yoon Myung-chul de l’Université Dongguk, ellevisait à simuler une forme de navigation dite « par dérive »qui était pratiquée dans l’Antiquité. Entraînée par les courants,poussée par le vent de sud-ouest, l’embarcation aaussitôt commencé à dériver en direction du nord-est etaprès avoir affronté un typhon, elle accostait à l’île de Heuksandix-sept jours plus tard.
Un rempart contre le vent et les vagues
Par son succès, cette traversée expérimentale a démontréle manque de fondement de deux idées très répandues.D’abord et avant tout, les scientifiques ont prouvé que desliaisons par mer étaient possibles par des moyens naturels,c’est-à-dire sans recourir à la technologie, entre les régionscontinentales et péninsulaires de l’Asie. Cette révélationa ainsi dissipé les doutes qui pouvaient subsister quant àla capacité des Anciens à traverser la mer en l’absencede moteurs et d’instruments de navigation adéquats. Enoutre, ces résultats ont réduit à néant un argument douteuxfondé sur la vision d’un continent au centre de tout, à savoirque les échanges qui avaient lieu entre le continent et lespéninsules se faisaient par voie terrestre, jugée plus sûreque la mer. Cette expédition vient ainsi corroborer l’hypothèseselon laquelle nos ancêtres les Dongyi composaientun peuple foncièrement océanique, puisqu’ils commerçaientavec la Chine, le Japon et de lointains pays du sud,entreprenaient des voyages au long cours et livraient parfoisdes batailles navales dans cette Méditerranée de l’Extrême-Orient qui baigne les péninsules et le continent.
L’équipe de scientifiques avait entrepris l’expédition àdeux reprises. Dans l’un et l’autre cas, son itinéraire reproduisaitfidèlement celui qu’empruntaient les bateaux desdynasties coréenne de Goryeo et chinoise des Song surcette Route des mers du Sud qui favorisa l’essor du commerceentre les deux pays du Xe au XIVe siècles. Issu dela côte des Philippines, le courant de Kuroshio circule endirection de Taïwan et du nord de l’île de Jeju avant de bifurquercomplètement. C’est l’un de ses sous-embranchementsvers le nord qui longe la côte ouest de la péninsulecoréenne, puis contourne celles de Liaodon et de Shandongavant de dériver vers le sud et, en changeant à nouveaud’orientation au large de la baie de Shanghai, de revenirvers les côtes de la péninsule coréenne. En vue de pratiquerle commerce et la pêche entre péninsule et continent,les Anciens surent tirer parti de ces mouvements naturelsdes eaux de mer, ainsi que des vents saisonniers de sud-ouest, dela fin du printemps au début de l’été, et de nord-est, en octobre etnovembre.
Une chronique historique intitulée Songshi, c’est-à-dire l’histoiredes Song, comporte le passage suivant consacré à la biographiehistorique de la dynastie de Goryeo :« En partant de Dinghai, qui se situe à Mingzhou, nous avonsnavigué trois jours au gré du vent, puis sommes parvenus à Heuksanau bout de cinq autres et sommes ainsi entrés dans Goryeo.
Dans les derniers tempsdu royaume de Joseon, lefonctionnaire Choe Ik-hyeonfut envoyé en exil à Heuksandopour s’être opposéà la signature du Traité deGanghwa avec le Japon en1876. Dans le village deCheonchon-ri, un monumentrend hommage à sonpatriotisme et à son actionen faveur de l’instructiondes enfants. Sur le rocherauquel il s’adosse, une inscriptionattribuée à Choe Ikhyeonlui-même réaffirmela souveraineté de longuedate dont jouissait alorsl’Empire de Corée.
Audépart de Heuksan, nous avons dû longer de petites et grandes îleset franchir des myriades de rochers avant de pouvoir prendre de lavitesse. Nous sommes arrivés à la rivière dite Yeseong sept joursplus tard ».
Cette ville de Mingzhou, qui est l’actuelle Ningbo, avait des originesanciennes et se situait à l’estuaire du Yangtze, au large duquelse trouvent les îles de Zhoushan. Elle allait devenir un centred’échanges commerciaux quand l’Empire des Song, vaincu par lesLiao et les Jin, c’est-à-dire respectivement les Kitan et les Jurchen,et perdant de ce fait son hégémonie en Extrême-Orient, déplaçajusqu’au littoral sud-est ses activités marchandes avec l’étranger. Àla fin de la première moitié du IXe siècle, le moine bouddhiste japonaisEnnin, à son retour de la Chine des Tang où il était parti étudier,descendit du navire de commerce de Silla à bord duquel il voyageaitpour faire escale sur l’île de Heuksan et indiqua dans son journalintitulé Nitto guhojunrei koki (Relation d’un pèlerinage en Chine à larecherche de la Loi) que la population de l’île se composait de troisà quatre cents foyers. On peut logiquement en déduire qu’elle étaitbeaucoup plus importante à cette époque qu’au Xe siècle où lesnavires y faisaient une halte sur la Route des mers du Sud.
Dans le traité de géographiecoréenne Taengniji dû à un érudit dela période de Joseon, Yi Jung-hwan(1690-1756), il est fait mention de Yeongam,le port du sud-ouest de Silla d’oùpartaient les vaisseaux qui transportaientles tributs destinés aux souverainsde la dynastie Tang. Cet ouvragefournit en outre des indications précisessur la route qu’empruntaient lesbateaux de Yeongam à Mingzhou : « Àpartir d’ici, la traversée est d’une journéejusqu’à l’île de Heuksan, aprèsquoi il en faut une autre pour gagnercelle de Hong, et une autre encorepour parvenir à celle de Gageo. Quandle vent vient du nord-est, trois journéesde voyage sont nécessaires pour rallierà partir d’ici Dinghai, Ningbofu, puisTaizhou en Chine ». Sous le royaumede Silla, le lettré Choe Chi-won, dontles écrits étaient célèbres jusque dans la Chine des Tang, suivit cemême itinéraire quand il partit pour ce pays à l’âge de onze ans.
Unautre érudit, nommé Choe Bu, rédigea quant à lui une chroniqueintitulée Pyohaerok (1488) lorsque le bateau à destination de laChine des Ming sur lequel il s’était embarqué avec quarante-deuxautres personnes partit à la dérive dans cette direction après avoirsubi une avarie lors d’une tempête en mer.
En dépit des avantages que lui confère sa situation géographiqueet du rôle important qu’elle a longtemps joué dans les voyages parmer, l’île de Heuksan n’est pas associéeà une idée de progrès et de prospéritépour la plupart des Coréens.
Reconstitution, sur unecolline du village de Sari,de l’École de Sachonoù Jeong Yak-jeon faisaitla classe aux enfants duvillage quand il était en exil.
Montagne noire et Mer noire
Pour nombre d’entre eux, le nom de« Heuksan » évoque un lieu d’exil et defait, l’île doit avoir longtemps accueilliles bannis du royaume, au vu de cequ’écrivait au XIIe siècle Xu Jing, l’émissairequi y avait été dépêché par ladynastie chinoise des Song, dans sonouvrage intitulé Gaoli tujing, c’est-àdirela chronique illustrée de Goryeo:« Les personnes coupables d’avoircommis des crimes graves à Goryeo,mais qui ont échappé à la peine demort, sont chassées et reléguées ence lieu ». Les îles de Jeju et Geoje surpassaientcependant Heuksan par leurpopulation d’exilés, tout du moins pendantla période de Joseon. Par ailleurs,des indications chiffrées montrentqu’un fonctionnaire sur quatre y futbanni au début de ce règne, ce qui n’apas pour autant terni outre mesure laréputation de ces îles. Quant à celle deHeuksan, c’est Jeong Yak-jeon (1758-1816) qui la fit en partie découvrir poury avoir séjourné en exil au début du XIXesiècle.
Tous trois d’une brillante intelligence,les frères Jeong prénommésYak-jeon, Yak-jong et Yak-yong étaientdes hauts fonctionnaires de l’État fortappréciés du roi Jeongjo. Ouverts à lascience et à la philosophie occidentales,ils n’en demeuraient pas moinsfidèles à leur foi catholique. En 1801,ils eurent à souffrir de la vague depersécutions entreprise à l’encontredes Coréens de cette confession, un an à peine après la disparitiondu roi Jeongjo, qui s’était montré tolérant à leur égard. Pouravoir refusé d’abjurer leur foi, l’un, Yak-jong, fut martyrisé, tandisque Yak-jeon et Yak-yong furent condamnés à l’exil. Le premier desdeux effectua un séjour de neuf ans sur l’île d’Ui, aussi connue àl’époque sous le nom de « Petite Heuksan », avant son transfert surla « Grande Heuksan », qui est l’actuelle île de Heuksan, où il restajusqu’à sa mort survenue sept ans plus tard.
L’île de Heuksan est également associée à certains épisodesde l’histoire coréenne. À l’avènement du royaume de Joseon qui fitsuite à la chute de celui de Goryeo, il fut décidé que ses habitants,ayant dû affronter maintes fois les incursions de pirates japonais,quitteraient les lieux pour s’établir dans le port de Yeongsanpo situédans le sud-ouest du pays. Dès le XVe siècle, cette politique ditede « l’évacuation de l’île » allait priver celle-ci de l’activité du commercemaritime d’Extrême-Orient dont elle était l’un des centreset la condamner ainsi à l’oubli. Dans ce siècle des découvertes quicommençait pour l’Europe, Joseon et la Chine des Ming faisaient aucontraire le choix de l’isolement.
Au XVIIe siècle, l’île de Heuksan allait connaître un nouveau peuplement.Affaibli par des années de guerres acharnées avec leJapon, l’État n’exerçait plus son autorité sur l’ensemble du territoireet ceux qui étaient en quête de terres nouvelles pour fuir l’injusticesociale et l’oppression trouvèrent alors dans cette lointainecontrée un havre de paix et de liberté. Si la nature y était hostile, aumoins tous les hommes y étaient-ils égaux devant elle. Aujourd’huiencore, les nombreuses stèles éparses sur l’île témoignent par lesnoms qui y sont inscrits de la présence de ces premiers migrantsqui y fondèrent un foyer. À l’aube du XIXe siècle, le sombre mythepopulaire de la « Montagne noire » allait naître de la dure conditiondes insulaires victimes de persécutions, opprimés par un pouvoirtyrannique que gangrenait la corruption dite « des trois sourcesde finance nationale », mais pleins d’admiration et de compassionpour les érudits en exil qui vivaient parmi eux. Peut-être celaexplique-t-il que tant d’oeuvres littéraires aient pour personnageprincipal l’un d’entre eux, Jeong Yak-jeon, qui rédigea un excellenttraité de biologie maritime intitulé Hyeonsan eobo ou Jasaneobo, dans lequel il répertorie les différentes espèces de poissonsqui peuplent les eaux de Heuksando à partir des résultats derecherches qu’il effectua le long des côtes pendant son exil.
Dans la préface de cet ouvrage, Jeong Yak-jeon précise qu’il« préfère parler d’île de Hyeonsan quand il écrit à sa famille, car lenom de Heuksan lui paraît si obscur et lugubre qu’il craindrait deles effrayer ». Dans les cultures d’Asie, notamment la coréenne etla chinoise, le noir représente le nord. C’est ainsi que la zone situéeà mi-chemin de la Route des mers du Sud est appelée hei shuiyang, c’est-à-dire « océan d’eau noire », puisque, vue de la Chinedu Sud, elle se situe au nord. Dans le traité intitulé Gaoli tujing, setrouve d’ailleurs l’idée que « hei shui yang est l’océan du nord ».Partant, le nom de Heuksan, qui signifie « montagne noire », peutse comprendre comme « montagne du nord », une interprétationque vient aussi étayer le nom donné à un courant océaniquedérivant vers le nord-est à partir du Japon et dont le nom Kuroshiosignifie « courant noir » dans la langue de ce pays. Outre sadénotation du « noir », l’idéogramme « 黑 », qui se prononce heuken coréen, hei en chinois et kuro en japonais, possède aussi uneconnotation négative, puisqu’il désigne un caractère « lugubre » ou« faux », et dès lors, on imagine aisément pourquoi l’écrivain préféraà cet idéogramme celui de « 玆 », prononcé hyeon en coréenet signifiant « distant », « éloigné » ou « profond ». Quoique cesréflexions sur la Montagne noire puissent sembler n’avoir aucunlien entre elles, elles portent sur des aspects qui correspondentencore aux aspirations et conceptions de la vie des Coréens d’aujourd’hui.
Un voile de brume enveloppeHeuksando, vue ici de l’îlevoisine de Jangdo.
Amas de coquillages et dolmens
À quand le peuplement de Heuksando remonte-t-il et quelle enfut la raison ? Il ne s’agit pas ici de se livrer à d’ennuyeuses suppositionssur ses origines historiques à partir de quelques sd’archives rédigés par des chercheurs isolés. Les scientifiques s’accordentgénéralement à penser que les caractéristiques actuellesdu climat coréen étaient déjà en place 25 000 ans environ avantJ.-C., c’est-à-dire pendant la glaciation de Würm, qui fut la dernièreque connut la planète et après laquelle régna peu à peu un climattempéré. La fonte des glaciers étant sur le point de commencer,le niveau des océans était inférieur à celui d’aujourd’hui d’approximativement140 mètres. Quand on se demande à quoi pouvait ressemblerl’archipel de Heuksan en ce temps-là, on imagine ses 296îles, peuplées ou non, dont celles de Gageo, Hong, Yeongsan, Jang,Sangtae et Hatae, formant une énorme masse continentale avec lapéninsule, elle-même reliée à l’archipel nippon.
Le réchauffement du climat doit avoir poussé ses habitants àgagner les côtes où ils pratiquaient la pêche, les plus témérairesd’entre eux s’aventurant en haute mer pour y chasser la baleine,qui constituait alors l’une des principales sources de leur alimentation,certains devant emporter un peu de riz lors de ces expéditions.Sur la terre ferme, la présence de dolmens atteste de leurs liensétroits avec la pêche. En Extrême-Orient, ceux qui sont parvenusjusqu’à nos jours se répartissent selon une configuration circulairequi s’étend de la Chine à la Corée,entre la province de Zhejiang, lespéninsules de Shandong et Liaodonget le littoral ouest de la péninsulecoréenne. Les rapports qui unissentces monuments à la pêche sont attestéspar les coquilles entassées à unendroit de l’île de Heuksan se situantprès de l’embarcadère de Jukhangri,et par la proximité de l’alignementde dolmens de type méridional quis’élève sur les collines de Jin-ri surplombantd’une faible hauteur l’emplacement des tas de coquilles.Ainsi, la mer n’a atteint son niveau actuel que quatre millénairesavant l’époque contemporaine.
Tout au long de cette période, le port de Heuksan a conservél’emplacement qui est le sien aujourd’hui. Si l’on se réfère à nouveauà la chronique historique, cet extrait du Gaoli tujing vieux d’unmillénaire présente de l’intérêt : « Heuksan [Montagne noire] sesitue près de Baeksan [Montagne blanche], au sud-est de celle-ci.À première vue, elle semble très haute et escarpée, mais de plusprès, on découvre un enchaînement de pics. À l’avant d’un petit pic,une cavité qui s’ouvre au milieu de la roche crée comme une grottesecrète qui serait assez grande pour dissimuler un bateau ». Jinri,ce village de dolmens dont le nom signifie « village de la basenavale », tient vraiment ce toponyme de l’existence de telles installationspar le passé.
Dans la cour du Centre deméditation de Musimsa, unelanterne en pierre et une pagodeen pierre à trois étagesrappellent que ce temple futédifié au IXe siècle et restaen activité jusqu’au XIVesiècle.
Comme l’indique cet ouvrage ancien, le port de Heuksanétait aménagé dans un abri naturel de grandes dimensions et1 Un voile de brume enveloppeHeuksando, vue ici de l’îlevoisine de Jangdo.2 Dans la cour du Centre deméditation de Musimsa, unelanterne en pierre et une pagodeen pierre à trois étagesrappellent que ce temple futédifié au IXe siècle et restaen activité jusqu’au XIVesiècle.3 À Jin-ri, ce groupe de dolmensatteste d’une présencehumaine sur l’île dès avantl’Âge du bronze.1Arts et culture de Corée 19aujourd’hui encore, ses quais accueillent les bateaux de pêche quiy font escale pour s’approvisionner et subir un entretien à couvertdes intempéries, avant de gagner le large. D’avril à octobre,où ces bateaux accostent en grand nombre, un important marchéaux poissons s’y tient, mais ceux d’autrefois, qui ont été prospèresjusque dans les années 1970, étaient plus étendus, quoique saisonniers.Le long des côtes, les eaux recèlent en abondance maquereaux,poissons-tambours, requins et raies qui fournissent unepêche généreuse. Depuis toujours, les Coréens apprécient tout particulièrementce dernier poisson, dont le prix est en conséquenceassez élevé.
À Jin-ri, ce groupe de dolmensatteste d’une présencehumaine sur l’île dès avantl’Âge du bronze.
Les communications terrestres et aériennes
Voilà à peine seize ans que l’île de Heuksan s’est dotée, sur toutson pourtour, d’une corniche longue de 25,4 kilomètres dont lepavage a exigé un chantier de vingt-sept ans de travail en raisonde l’escarpement du relief et de l’épaisseur des forêts. Ces obstaclesexpliquent que nombre de villages de l’île disposent d’un port,qui permet plus facilement et plus sûrement que la route de serendre d’un point à l’autre de l’île. En partant de Jin-ri, qui abritel’Hôtel de ville, on franchit une colline où se dresse un temple, puison bifurque à gauche sur la corniche, qui mène à l’ancien emplacementd’une dépendance du gouvernement et au temple ancien deMusim, également connu sous le nom de Centre Seon, ce derniermot désignant la pratique spirituelle du bouddhisme. Jadis destinéeaux émissaires étrangers, cette dépendance dont font état leschroniques historiques a été mise au jour lors de travaux d’arpentage.La découverte d’un fragment de tuile convexe gravé du nomdu Centre Seon de Musim a permis de percer le secret qui entouraitla nature exacte de ce site. La présence d’une pagode surmontéed’une lanterne, toutes deux étant en pierre, avait laissé penserjusque-là qu’il s’agissait d’un temple bouddhique. La populationdevait jadis venir prier en ces lieux pour que ses marins-pêcheurssoient préservés du danger et des maladies. En poursuivant sonchemin, on emprunte une route abrupte et sinueuse longeant laforteresse de Banwol qui se dresse sur le mont Sangna depuis ledébut du IXe siècle. Sa construction est due à Jang Bogo (?-846),ce célèbre vainqueur de batailles navales qui se vit surnommer« l’Empereur des mers » pour avoir repoussé l’envahisseur japonais.Tout en haut de la montagne, on découvre un fanal et l’ancienemplacement d’un autel rituel qui sont des vestiges représentatifsde la vocation maritime de l’île et rappellent son glorieux passé decentre du commerce extérieur.
En continuant jusqu’au village de Sari, où Jeong Yak-jeon fit bâtirl’école de Sachon à l’intention des enfants du village, on aperçoitau loin une île tout en longueur qui bouche complètement la vue,tel un paravent posé devant la mer. Elle porte le nom de Jang et àson point culminant, s’étend une zone humide qui comporte destourbières, celles-ci étant pourtant rares dans un paysage de typeinsulaire. Cette étendue fournit aux habitants une eau potable d’unegrande limpidité, outre qu’elle constitue l’habitat de plus de cinqcents espèces vivantes différentes. Un projet visait à l’aménagerpour y pratiquer l’élevage, mais les villageois ont réuni des fondspour pouvoir la racheter et préserver son cadre naturel. En raisonde leur qualité environnementale, ces lieux ont été inscrits en 2005sur la liste des zones humides de Ramsar.
Fin 2015, les pouvoirs publics ont annoncé la création à venird’un mini-aéroport équipé d’une piste de 1,2 kilomètre de long etprovoqué ce faisant une nette hausse des prix du foncier. Une foisterminé, c’est-à-dire en 2020, selon le calendrier prévu, il permettrad’aller de Séoul à l’île de Heuksan en à peine une heure dans unavion à hélice d’une capacité de cinquante sièges. Les couples envoyage de noces pourront alors pousser des cris de joie quand ilssurvoleront la mer et la mosaïque d’îles de l’archipel de Heuksan.Pour citer à nouveau le Gaoli tujing, il y est dit ce qui suit àce propos : « Quand arrive un bateau transportant les émissaireschinois, un feu est allumé au fanal du sommet de la montagne,auquel répondent une à une toutes les montagnes suivantesjusqu’à ce que le signal parvienne au palais royal. Dès cettepremière montagne, commence donc toute une succession defanaux ».
Lequel de ces deux spectacles aimeriez-vous le mieux ?