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2019 SPRING

Sur les traces du roi Jeongjo à la forteresse de Hwaseong

Quintessence de l’architecture caractéristique de la dernière période du royaume de Joseon, la forteresse de Hwaseong étend ses murailles autour du cœur historique de la ville de Suwon. En 1997, l’UNESCO allait classer cet ouvrage sur sa Liste du patrimoine mondial en raison de sa conception remarquable fondée sur un modèle architectural imaginé par le vingt-deuxième souverain du royaume, Jeongjo, auquel est également due une chronique détaillée de l’avancement de son chantier.

En ce printemps de l’année 1795, les Coréens confluèrent en si grand nombre à Hanyang, la capitale du royaume qui est aujourd’hui Séoul, que la ville ne parvint pas à les accueillir tous en dépit de la suspension temporaire du couvre-feu et de l’installation de tentes destinées à répondre à une forte demande d’hébergement, seuls les marchands de la ville se réjouissant de cet afflux de chalands.

La foule qui se pressait avait accouru dans le seul but d’assister au passage du cortège royal, après que des avis affichés aux quatre coins du pays l’eurent informée de l’imminence de ce déplacement dont pourraient être témoins les sujets. Pour ces derniers, la possibilité de voir en chair et en os ce monarque à l’aura céleste offrirait l’occasion s’imprégner de son esprit éclairé, ceux d’entre eux qui avaient effectué les plus longs périples étant d’ailleurs appelés du nom de gwangwang minin, unequi signifie « les gens venus voir la lumière » et dont le premier vocable désigne aujourd’hui le tourisme.

La piété filiale d’un roi
Au neuvième jour du deuxième mois de l’an 1795, quand sonnèrent sept heures, le roi Jeongjo s’en alla présenter ses hommages à sa mère, Dame de Hyegyeonggung, qui se tenait devant l’entrée du palais de Changdeok, puis il enfourcha son palefroi et partit avec elle pour la forteresse de Hwaseong en vue d’y séjourner quatre jours à l’occasion du soixantième anniversaire maternel. Le roi entendait aussi se rendre sur la tombe toute proche de son père, le prince héritier Sado.

Rien ne fut trop grandiose pour le déplacement du monarque, à commencer par la longueur de son cortège, qui atteignait un kilomètre, soit 5 % des vingt à parcourir. De mémoire de sujet du royaume, une telle envergure était sans précédent, mais à la mesure, comme elle l’est aujourd’hui encore pour nombre de nos contemporains, de la piété filiale qui animait ce monarque du XVIIIe siècle.

Sur ordre de son père le roi Yeongjo, le prince héritier Sado fut condamné, aux motifs de blasphème et de haute trahison, à être enfermé huit jours durant dans un coffre à riz en bois. Moralement affaibli par d’incessants conflits factieux, le jeune prince fut vraisemblablement la cible d’une conspiration et, après qu’il eut été mis à mort sous les yeux de son fils Jeongjo âgé de onze ans, celui-ci vécut dans la hantise d’un complot des fonctionnaires du palais visant à l’assassiner avant qu’il n’accède au trône. Au cours de cette époque semée de périls, il eut, selon ses termes même, l’impression d’être « assis sur un coussin d’aiguilles ou sur des œufs mis les uns sur les autres », mais il en triompha « en s’avançant bravement, sans peur ni hésitation » et, lors de son couronnement survenu en 1776, il déclara haut et fort être le fils du prince héritier Sado.

La sépulture de cet infortuné souverain se situe au flanc du mont Hwa, cette « montagne fleurie » distante d’environ 10 kilomètres du mont Paldal qui se dresse plus au nord et constitue le point culminant de la forteresse de Hwaseong. Comme l’indique le nom du lieu de son édification, la tombe de Sado s’orne de fleurs de lotus admirablement sculptées dans la pierre et le talus en est soutenu par des panneaux. Ayant jadis accueilli les locaux de l’administration cantonale de Suwon, cet emplacement parut alors convenir à l’inhumation d’une figure royale.

En 1789, le roi Jeongjo avait à cet effet déplacé ces services administratifs à l’endroit où ils se trouvent encore pour y reconstruire la tombe paternelle qui se trouvait jusque-là dans la ville de Yangju située au nord de Hanyang et il donna pour nouveau nom à cette sépulture celui de Hyeollyungwon, c’est-à-dire le « jardin de la plus haute élévation ». Non loin de là, il fit en outre édifier un temple destiné à prier pour le repos éternel de l’âme paternelle. C’est ainsi que Dame de Hyegyeonggung parvint enfin à honorer la mémoire de son regretté époux trente-trois ans après sa disparition.

Procession du roi Jeongjo jusqu’à la tombe paternelle de Hwaseong, Kim Deuk-sin et al., c. 1795. Encre et couleur sur soie, 151,5 cm x 66,4 cm par panneau.Ce paravent à huit panneaux représente le voyage qu’accomplit en 1795 le roi Jeongjo jusqu’à la forteresse de Hwaseong en vue de se recueillir sur la tombe de son père, le prince héritier Sado, et d’organiser un banquet à l’occasion du soixantième anniversaire de sa mère, Dame Hyegyeonggung. Cette œuvre attribuée à plusieurs artistes rattachés à l’Office royal de la peinture représente la quintessence du genre de cour par ses couleurs splendides et la délicatesse de son style. © Musée national des palais de Corée

Des souvenirs vieux de deux siècles
Si les processions royales ont toujours revêtu une grande ampleur politique et protocolaire dans toutes les monarchies pré-modernes, celles dont le roi Jeongjo prit la tête jusqu’à la forteresse de Hwaseong s’en détachent particulièrement pour plusieurs raisons. Par leurs dimensions, elles furent notamment les plus considérables en leur genre depuis l’avènement du royaume en 1392. En vue de ce périple d’une durée de huit jours, le palais avait mobilisé pas moins de6 000 personnes et 1 400 chevaux et consacré à ses dépenses un budget de 100 000 nyang, soit l’équivalent du montant actuel de 7 milliards de wons ou de 6,2 millions de dollars. Quelque 120 artisans participèrent à la fabrication du palanquin qui était destiné au transport de Dame de Hyegyeonggung et dont le coût fut évalué à 2 785 nyang, ce qui représente actuellement 200 millions de wons, c’est-à-dire la valeur de deux berlines coréennes de haut de gamme.

La disponibilité de chiffres aussi précis s’explique par le fait qu’ils furent à l’époque systématiquement consignés dans des registres tels que le Wonhaeng eulmyo jeongni uigwe, cette relation de la procession effectuée par le roi Jeongjo jusqu’à la tombe du prince héritier Sado en l’an d’Eulmyo. Les huit volumes de l’ouvrage relatent cet événement dès l’étape de sa préparation et sont remarquablement illustrés par soixante-trois peintures, dites banchado, qui représentent chacun des participants et indiquent sa place au sein du cortège. En vue de la réalisation de ces œuvres, Kim Hong-do (1745–1806), un célèbre peintre de mœurs et artiste attitré de la cour, fit appel aux plus grands talents du royaume et le fruit de leur travail possède donc une valeur inestimable d’un point de vue tant artistique qu’historique.

Au nombre des principaux s traitant de ce sujet, figure aussi une peinture intitulée Hwaseong neunghaeng do, c’est-à-dire « de la procession du roi Jeongjo jusqu’à la tombe paternelle de Hwaseong », qui fut exécutée sur les huit panneaux d’un paravent. L’artiste y a représenté les moments les plus mémorables de cet événement, ainsi que la forteresse d’ores et déjà achevée, avec force détails, ce qui laisse supposer une réalisation postérieure de l’œuvre. Les différentes scènes peintes sur le paravent le sont avec une grande précision et, parmi leurs détails, on remarque, ici, des soldats s’employant à retenir la foule, là, des groupes de jeunes lettrés contemplant le spectacle, ou encore des hommes séparant les protagonistes d’une rixe, ainsi que des marchands de nougats et de gâteaux de riz se frayant un passage dans la foule.

Deux siècles plus tard, cet événement allait se rappeler au souvenir des Coréens lors de la parution du roman Yeong­won-han jeguk, dont le titre signifie « empire éternel » et qui est dû à Lee In-hwa. Ce succès de librairie de 1993 émettait l’hypothèse de l’empoisonnement de Jeongjo qu’allait reprendre son adaptation au cinéma. Par ailleurs, l’inscription de la forteresse de Hwaseong sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO a donné lieu à la parution d’un recueil annoté de s historiques rédigés par le roi et à la réédition en couleurs d’estampes, à l’origine en noir et blanc, qui représentent le cortège. En rappelant des faits anciens tombés dans l’oubli, ces différentes initiatives allaient avoir pour conséquence de réhabiliter la mémoire de ce monarque réformateur qui fut l’artisan de la renaissance du royaume.

Située sur le site de Hwaseong, cette forteresse de la province de Gyeonggi, la tombe de Yungneung réunit en une même sépulture la dépouille du père et de la mère du roi Jeongjo, à savoir respectivement le prince héritier Sado (1735-1762) et Dame de Hyegyeonggung (1735-1816).

Un ponton royal
La procession évoquée ne constituait pas le premier hommage rendu par ce souverain à son père, puisque, par le passé, il avait accompli chaque année ces mêmes déplacements, auquel vint s’ajouter le sixième en 1795. Ceux-ci répondaient en outre à certains ifs tenus secrets, notamment, grâce à l’important effectif des troupes mobilisées pour l’occasion, celui de s’assurer de leur bon entraînement et de leur capacité à défendre la capitale, un déploiement en aussi grand nombre exigeant en outre la construction de routes et ponts qui viendraient compléter les ouvrages déjà existants : autant de mesures par lesquelles le souverain entendait consolider les assises de son pouvoir.

Sur le parcours des processions royales, l’un des principaux obstacles à surmonter résidait dans le franchissement du Han, deux possibilités s’offrant pour le faire, à savoir la traversée en bateau ou le passage sur un ponton construit à cet effet. Le monarque porta son choix sur la seconde, car il aurait fallu autrement réquisitionner des bateaux par centaines et, ce faisant, priver leurs propriétaires de leurs revenus habituels pendant toute la durée de ces longs travaux. En conséquence, le roi Jeongjo ordonna que fut construit dans les plus brefs délais un ponton aussi beau et sûr que possible, tout en n’excédant pas certaines contraintes de coût. Pour ce faire, il exigea de procéder à la conception et à l’exécution de ce projet selon une approche systématique. Fort de l’expérience acquise lors du déplacement de la tombe de son père, il rédigea des instructions réparties sur quinze rubriques différentes et atteignant un degré de précision tel qu’elles indiquaient jusqu’à la hauteur des bateaux et au procédé à mettre en œuvre pour les réunir entre eux.

Les longues et minutieuses études qui s’ensuivirent allaient aboutir, en 1793, à la publication d’un ouvrage intitulé Jugyo jeolmok, c’est-à-dire « consignes en vue de la construction du ponton ». Ses instructions d’une grande précision permirent la réalisation, en à peine onze jours, d’un ponton aussi fiable qu’esthétique dont la mise en service eut lieu au deuxième mois de 1795. C’est à son emplacement que le Han fut doté, en 1917, de la première passerelle de Corée, à laquelle allaient s’ajouter trente et un nouveaux ponts au cours du siècle dernier.

Étant parvenu sur l’autre rive du Han grâce à ce ponton, Jeongjo renonça à suivre l’itinéraire habituel, qui exigeait de franchir le col du Namtaeryeong pour gagner Gwacheon, et lui préféra un nouveau trajet qui menait à Siheung en passant par Noryang. Si la distance à parcourir ne différait guère, une grande largeur de route était indispensable au passage d’un cortège comportant jusqu’à cinq rangs juxtaposés, voire onze en certains points. L’idée vint alors à Jeongjo de faire construire une nouvelle route sur un terrain plat, cette solution s’avérant d’une réalisation plus simple que l’élargissement des chemins de montagne. En revanche, les multiples cours d’eau de plus ou moins grande taille qui jalonnaient la route de Siheung exigeaient la création de nombreux ponts.

Le dispositif mis en place sur l’itinéraire choisi par le roi Jeongjo eut par la suite des incidences sur les zones traversées par sa procession. En effet, le prolongement de la route de Siheung allait faire de celle-ci l’une des dix principales voies de transport routier du pays sous le royaume de Joseon, puis, à l’époque contemporaine, l’un des tronçons les plus fréquentés de la route nationale n°1 qui relie le centre de Séoul aux provinces méridionales, tandis que Namtaeryeong ne conserve plus de son glorieux passé que quelques auberges et tavernes délabrées qui furent les témoins d’événements historiques.

Les vocations de la forteresse
Après son départ du palais, le cortège royal effectuait habituellement une première halte nocturne à Siheung, puis se remettait en route, pour ne franchir que le lendemain soir la porte nord de la forteresse de Hwaseong, d’où il se rendait dans le quartier de l’ancienne administration cantonale de Suwon. Les murailles de la forteresse étaient alors en cours de construction, celle-ci n’ayant débuté qu’un an auparavant.

Le roi Jeongjo prit à cette époque la décision de lui donner le nom de Hwaseong, qui signifie « forteresse splendide » et se substitua à celui de Suwon, puis il y créa des services administratifs dotés d’importantes fonctions. Il fit en outre aménager, hors les murs, un camp militaire destiné à accueillir les 5 000 hommes de sa garde royale dénommée Jangyongyeong. Aujourd’hui encore, Suwon constitue un important nœud de transport entre la capitale et le sud du pays. Le renforcement des ouvrages défensifs d’une région limitrophe de la capitale justifiait à lui seul un déplacement royal sur le terrain.

La mise en œuvre des techniques les plus évoluées permit de faire de la forteresse de Hwaseong une place forte inexpugnable qui allait aussi abriter une ville nouvelle des plus fonctionnelles conçue par Jeong Yak-yong (1762-1836), un lettré adepte de l’école dite du Silhak, c’est-à-dire des « études pratiques », celui-là même qui avait conçu le ponton royal. En examinant le plan de la forteresse, on constate que le souverain n’avait pas uniquement en tête des ifs défensifs, car il fit dévier le lit de plusieurs cours d’eau pour qu’ils arrosent la ville et ordonna l’aménagement de carrefours destinés à faciliter la circulation des biens et des personnes. Au cours de son séjour de quatre jours consacré à se recueillir sur la tombe de son père, il mit en place un concours administratif en vue de recrutement des fonctionnaires régionaux, suivit la formation des soldats de jour comme de nuit, donna un banquet à l’occasion du 60e anniversaire de sa mère et rencontra la population âgée des environs. Entre les murs de sa ville nouvelle, Jeongjo se livra à des essais sur tout ce qu’il avait conçu et entrepris de réaliser au terme d’une recherche approfondie et de débats contradictoires. Une année s’était déjà écoulée depuis le commencement des préparatifs de la procession royale, six, depuis le déplacement de la tombe paternelle et vingt, depuis l’accession au trône de Jeongjo.

En 1796, soit un an après la grande procession royale, allait prendre fin la construction de la forteresse de Hwaseong, dont les murailles d’une hauteur allant de 4,9 à 6,2 mètres forment une enceinte de 5,7 km de longueur, l’ensemble ayant été réalisé en à peine deux ans et six mois. À cela s’ajoute une quarantaine d’installations défensives, dont d’imposantes portes percées aux quatre points cardinaux. Le poste de commandement occidental se situe au mont Paldal, qui est le point culminant du relief traversé. Le pavillon de Banghwasuryu et la porte de Hwahong, qui figure parmi les plus petites jamais réalisées en surplomb d’écluses cintrées composent un paysage que le visiteur se plaît à découvrir à tout moment de l’année. Quant aux trois tours de guet dites gongsimdon, il s’agit de constructions creuses en pierre et brique d’une conception novatrice qui n’a d’équivalent nulle part ailleurs.

Enfin, il convient de signaler l’existence d’un palais secondaire qui subit des dommages sous l’occupation japonaise et servit tour à tour d’hôpital, d’école ou de commissariat de police, mais dont la restauration a permis en 2003 d’en reconstituer fidèlement l’aspect d’origine tel que peuvent le découvrir aujourd’hui les visiteurs. Ce travail rigoureux de réhabilitation a été possible grâce aux informations consignées par le roi Jeongjo dans son « registre de la construction de la forteresse de Hwaseong » intitulé en coréen Hwaseong seongyeok uigwe.

Un artisan de la modernité
Tout en cheminant sur les traces de ce monarque, j’en suis venu à m’interroger tout bonnement sur les raisons qui l’avaient poussé à édifier Hwaseong et sur le type d’État que ce dirigeant de Joseon ambitionnait de créer. J’ai alors découvert que le roi se doublait d’un homme animé par la piété filiale, qu’il s’astreignait à une gouvernance vertueuse fondée sur des connaissances approfondies et le respect des valeurs néoconfucianistes, qu’il était parvenu à consolider le pouvoir royal et qu’il suscita l’admiration de son peuple. Un recueil d’écrits intitulé Hongje jeonseo, ainsi que divers autres textes qu’il a laissés, laissent transparaître ces différents aspects de sa personnalité.

Son règne fut témoin de l’introduction en Corée du catholicisme et de la philosophie néoconfucianiste de Wang Yangming, ainsi que des sciences et techniques occidentales regroupées sous l’appellation d’« études pratiques ». Les préceptes néoconfucéens énoncés par Zhu Xi ne faisaient plus figure de valeurs porteuses de progrès, la modernité reposant au contraire sur l’inquiétude et l’incertitude pour ce roi qui tenta de se conformer aux évolutions en cours en se laissant guider par l’« amour de son peuple ».

Les processions royales lui fournissaient l’occasion d’être au contact de gens simples et d’entendre leurs doléances, nombre d’entre eux étant analphabètes et ne pouvant donc les lui adresser de manière plus formelle. À chacun de ces déplacements, il prenait ainsi note d’environ 85 griefs différents. Lors de la construction de sa forteresse, il offrit aux ouvriers des vêtements chauds, l’hiver, et des plantes médicinales en été pour les aider à supporter les fortes chaleurs. Les s qu’il rédigea renferment des informations très précises sur chacun de ces travailleurs, notamment leur nom et adresse, le nombre de jours ouvrés qu’ils effectuaient et le montant total de leur rémunération. Lorsque la démolition d’habitations particulières s’imposa pour l’aménagement de routes et la construction du palais secondaire, il fit indemniser correctement leurs occupants et, les années de mauvaises récoltes, il ordonna la suspension des travaux.

Cependant, en dépit de son extrême compassion pour le peuple et de son respect des valeurs suprêmes du néoconfucianisme, Jeongjo ne sut comprendre ni l’esprit des temps modernes au centre duquel se trouvait l’individu, ni l’apparition d’un antagonisme entre les différentes classes sociales. À maintes reprises, il affirma que Hwaseong avait pour but de préserver les sépultures royales et exprima sa volonté de bâtir un palais secondaire. De fait, ce « pont de l’entière sécurité » qu’était celui de Manangyo fut réalisé sur la route de Siheung non tant à l’intention des gens du commun que pour lui permettre d’accéder à la tombe de son père.

Le pavillon de Banghwasuryu, qui, de l’avis général, constitue la plus remarquable construction de la forteresse de Hwaseong, se situe en outre dans un cadre naturel qui conserve sa beauté en toute saison. Destinée à l’observation militaire, cette superbe réalisation architecturale composée de bois et de pierre s’avérait aussi propice à la contemplation du paysage environnant, comme l’indique son nom signifiant « pavillon servant à courtiser les fleurs et à chercher les saules du regard ». © Topic

Par ses idées, il ne souscrivit donc pas aux idéaux formulés par l’érudit Shin Gyeong-jun (1712-1781), lequel écrivit notamment que « Les routes n’appartiennent à personne » dans la préface de son ouvrage de 1770 intitulé Dorogo, c’est-à-dire « études sur les routes et chemins ». Ce point particulier représente un écueil pour les historiens qui s’efforcent de situer Jeongjo au sein du modernisme.

Le monarque mourut subitement en 1800, soit quatre ans après l’achèvement de Hwaseong, et ses réalisations ne lui survécurent guère, puisque sa garnison de Jangyongyeong fut démantelée, tandis que Hwaseong redevenait une petite ville et que la population lui préférait le nom de Suwon. Un siècle plus tard, elle allait se transformer en un nœud de transport ferroviaire sur les liaisons allant de Séoul à Busan. Elle s’est dotée d’un nouveau centre-ville qui s’étend entre la gare de Suwon située à la périphérie sud de l’agglomération et la porte de Paldal qui s’élève également dans cette partie de la ville. Les services administratifs du gouvernement de la province de Gyeonggi, en s’implantant à Suwon, y ont suscité un regain d’activité.

En raison de sa situation géographique, Suwon a été le théâtre des combats les plus sanglants de la Guerre de Corée qui s’est déroulée de 1950 à 1953, incendies et bombardements détruisant en grande partie les fortifications et la ville elle-même. Dans l’après-guerre, celle-ci allait se transformer en un important centre d’activité pour ce secteur du textile qui allait constituer un moteur d’industrialisation à l’échelle nationale. La situation avantageuse de Suwon a aussi permis à celle-ci d’abriter la plupart des unités de production de Samsung Electronics, qui figure parmi les premiers fabricants mondiaux de semiconducteurs.

À l’occasion de la venue d’une délégation de l’UNESCO à Suwon en avril 1997, Nimal da Silva, qui dirigeait l’inspection sur le terrain de la forteresse et avait été impressionné par la diversité architecturale de cet ouvrage défensif, découvrit une version photocopiée du « registre de la construction de la forteresse de Hwaseong » cité plus haut et fut émerveillé par l’étendue et la précision des informations qu’il contenait.

D’aucuns affirment d’ailleurs que ce texte aurait joué un rôle décisif dans la décision de classer au patrimoine mondial cette forteresse de Hwaseong qui avait été restaurée en l’espace de deux siècles en dépit des dégâts considérables qu’elle avait eu à subir. Par leur réaction devant cet ouvrage défensif, les délégués de l’UNESCO ont rejoint les Coréens dans leur vision du roi Jeongjo lui-même, à savoir celle d’un souverain intègre dont les réalisations étaient à l’image de ses conceptions sur la monarchie et la république, sur la transition entre les époques pré-moderne et moderne, sur la place de l’individu et sur l’État.

 
Lee Chang-guyPoète et critique littéraire
Ahn Hong-beomPhotographe

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